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Chine: les manifestants ciblés «via» leurs «smartphones»

En Chine, après les manifestations contre la stratégie « zéro Covid-19 », la police traque les manifestants notamment via leurs téléphones portables. Nombre d’entre eux affirment avoir été appelés ou avoir reçu la visite des agents de la sécurité publique juste après leurs participation aux rassemblements protestataires dans plusieurs villes du pays. 

Avec notre correspondant à Pékin,

« Je ne préfère pas vous parler par téléphone, même sur messagerie cryptée », nous a expliqué celle qui se fait appeler Mianhua. Rendez-vous est donc donné près d’un parc du sud de la capitale. Vingt minutes à patienter dans le froid et voilà le bonnet vert citron indiqué comme point de repère, qui arrive en vélo. Un sourire derrière les grande lunettes vintage, la conversation va rouler le long de la promenade de santé d’un petit canal, où il y a peut-être un peu moins de caméras de surveillance.  

Fouille des téléphones  

Cette Pékinoise, âgée de 35 ans, a manifesté, dimanche soir, à Pékin pour demander la levée des restrictions sanitaires. C’est la première fois en plus de trois décennies que le mécontentement s’exprime à coup de slogans dans les rues de la capitale. La première fois pour des manifestants, et surtout des manifestantes, dont la jeunesse a été fortement éprouvée par trois ans de politique « zéro Covid-19 ». C’était aussi la première fois pour les policiers en uniformes, visiblement sans ordres, semblant parfois déconcertés et se tenant par la main pour faire barrage et encercler les protestataires. Le travail de répression a, lui, commencé dans les heures qui ont suivi. Dès le lendemain la mère de notre témoin a été appelée, pour savoir si sa fille avait participé au rassemblement. Pas de réponse. « Toc, toc, toc ! »,  le bureau de la sécurité publique a alors frappé à la porte. « Les policiers ne m’ont pas trouvé, alors ils ont été chez ma mère à deux heures du matin, explique Mianhua. Ils lui ont demandé où j’étais. Pour ne pas qu’il la harcèle davantage, j’ai donné mon adresse. Ils connaissaient tous mes déplacements : à quelle heure j’étais sortis de chez moi dimanche, dans quelle rue je m’étais rendue et ils m’ont contraint d’avouer que j’étais bien à la manifestation. »   

« Feuilles blanches » 

Comme de nombreux manifestants visités par la police, la jeune femme affirme n’avoir pas été obligée de décliner son identité dans la nuit de dimanche à lundi. C’est probablement le bornage de son téléphone qui a mis les policiers sur sa piste. Des contrôles inopinés du contenu des smartphones des usagers ont été effectués dans plusieurs villes. « Des manifestants se sont fait confisquer leurs téléphones dans le métro, d’autres dans la rue, indique Wang Shensheng. Certains ont ensuite disparu, comme l’étudiante de l’institut de communication et des médias de Nankin qui est la première avoir brandi une "feuille blanche" et dont on n’a plus de nouvelles. D’autres ont été interrogés dans le cadre de garde à vue pour trouble à l’ordre publique », poursuit cette avocate jointe dans le centre du pays. 

((Insérer tweet https://mobile.twitter.com/whyyoutouzhele/status/1596429340845428737 )) 

Comme en Russie, les « feuilles blanches » tenues par les manifestants, sont le symbole de la colère qui gronde malgré la censure. Répression, disparition ou simplement intimidation. La jeune femme que nous avons rencontré raconte qu’il y avait un bon et un mauvais flic au commissariat. Le policier « gentil » lui a réduit son temps de présence dans la protestation, tandis que l’autre « plus dur » a refusé de fermer la fenêtre pendant l’interrogatoire, malgré l’air glacé de l’hiver pékinois : « Il voulait que je dise que des étrangers nous ont incité à manifester. On m’a demandé aussi si j’avais reçu de l’argent de l’étranger, ce qui évidemment n’est pas le cas ». Et pour pouvoir sortir, Mianhua a dû signer une lettre dans laquelle elle s’engage à ne plus participer à des « rassemblements illégaux ».      

Applis piratées  

Cette pression policière oblige les protestataires à prendre des précautions : « J’ai un peu peur maintenant, dit-elle, car je sais que je suis fichée. A chaque fois que je vois une voiture de police, je me sens nerveuse, même si je fais attention. Quand je quitte la maison, j’efface toutes les applications étrangères sur mon téléphone. Et puis, je retire ma carte Sim de mon smartphone, pour éviter qu’ils me suivent. »    

La crainte du téléphone et des technologies de reconnaissance faciales, vaut aussi pour les applis étrangères comme Instagram où les messageries cryptées telles que Télégramme et Signal, uniquement accessible avec un VPN en Chine. « Les policiers ont relevé l’identité de certains protestataires et, le lendemain, les applis sur leur téléphone avaient été piratés, ou en tous cas il y a eu des tentatives pour se connecter », indique l’avocate Wang. Si elle devait retourner manifester, Mianhua dit qu’elle évitera de prendre son téléphone avec elle.  

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