Le 28 septembre est la journée internationale du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Plus de 9 millions d'avortements auraient lieu chaque année sur le continent africain, dont les trois-quarts dans des conditions non sécurisées. Les législations varient selon les pays, mais malgré des signes d'assouplissement ces dernières décennies, elles demeurent plutôt restrictives.
En Tunisie, pays africain pionnier en la matière, 2023 marque le 50e anniversaire de la légalisation de l'IVG. Mais entre pénuries de médicaments, conservatisme social jusque dans le corps médical, et inégalités régionales, la réalité du terrain n'incite pas au satisfecit.
Quatre autres pays prévoient un accès sans restrictions : l'Afrique du Sud, le Mozambique, le Cap-Vert et le Bénin, où le Conseil des ministres a adopté en avril le décret d'application de la loi votée en octobre 2021. Selon l'organisation américaine Centre pour les droits reproductifs, la tendance est plutôt à un assouplissement des législations.
L'avortement est possible pour raisons médicales dans une vingtaine de pays du continent. La moitié d'entre eux, comme l'Algérie, le Tchad ou la RDC, incluent la santé mentale parmi ces motifs. La Zambie, le Rwanda ou l'Éthiopie ajoutent même des raisons socio-économiques...
Parmi les États restrictifs, certains comme le Nigeria ne permettent l'IVG qu'en cas de risque de décès de la mère, ou de manière exceptionnelle après un viol ou un inceste, comme en Côte d'Ivoire, au Mali ou au Gabon. Demeurent néanmoins d'importants défis, comme l'accès aux soins ou l'ostracisation sociale et familiale.
L'Organisation mondiale de la santé rappelle que l'interdiction ne fait pas baisser le nombre d'avortements, mais pousse à le pratiquer dans des conditions dangereuses. Le Centre pour les droits reproductifs estime par exemple qu'il y a 75 000 avortements à Madagascar chaque année.
Malgré cela, une poignée de pays l'interdisent toujours, quelles que soient les circonstances : le Sénégal, la Mauritanie, l'Égypte, Madagascar ou le Congo-Brazzaville.
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Au Congo-Brazzaville, des avortements clandestins... et dangereux
Comment font les femmes qui veulent avorter ? Notre correspondant à Brazzaville, Loïcia Martial, s'est rendu sur l’avenue des Trois-Martyrs dans le quatrième arrondissement de la ville, devant le siège de l’Association congolaise pour le bien-être familial (ACBEF), où la circulation est intense. Assise dans son bureau, devant un registre d’enregistrement des femmes qui viennent en consultations, Aurore Makanga, sage-femme de 34 ans exerçant dans la clinique de l’ACBEF, dresse l’état des lieux de l’avortement dans le pays.
« On peut dire qu’au niveau du Congo, la majorité des avortements sont clandestins. Depuis onze ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais appris que ces avortements ont été officiellement prônés dans les centres », affirme-t-elle.
Les jeunes filles qui souhaitent poursuivre leurs études, ou d'autres femmes, plus âgées, qui ne veulent pas accoucher ou espacer les naissances, ont recours à l'avortement avec des moyens peu orthodoxes.
« Même dans les marchés, on pratique les avortements, chez les messieurs et les femmes qui vendent les médicaments », dit Aurore Makanga, chagrinée. Elle fait allusion aux médicaments vendus à la sauvette, en dehors des pharmacies, qui sont très dangereux. Elle pointe les risques encourus par les femmes qui avortent dans de mauvaises conditions.
« Il y a un risque de stérilité si l’avortement est très mal pratiqué. On peut aussi parler de la septicémie, d'obstruction tubeur. Ce sont des risques qui conduisent à une stérilité secondaire », explique-t-elle.
L’avortement étant clandestin au Congo, le pays ne dispose pas de statistiques officielles. Et les cas de condamnation sont presque inexistants.
En Côte d’Ivoire, l’avortement autorisé mais soumis à conditions
Cette pratique reste malgré tout très courante : de nombreuses femmes optent pour des avortements clandestins, au péril de leur santé. Plusieurs organisations plaident pour un élargissement des conditions d’accès à l’avortement médicalisé, rapporte notre correspondante à Abidjan, Bineta Diagne.
L’avortement médicalisé est restreint par la loi aux cas de viols ou de grossesses susceptibles de nuire à la santé de la mère. Ces situations sont conditionnées à l’avis de deux médecins.
Selon le code pénal, une femme qui tente d’avorter en dehors de ces deux conditions risque entre six mois et deux ans de prison. La ou les personnes qui pratiquent cette opération, en dehors d’une structure sanitaire, risquent entre 10 et 20 ans de prison en cas de décès de la patiente.
Il y aurait « près de 280 000 avortements clandestins chaque année », indique un acteur de la société civile. Ces avortements sont réalisés dans des conditions d’hygiène précaires, souvent par des prestataires de santé non adaptés à ce type d’opération. Certaines patientes optent même pour la médecine chinoise comme alternative, relève une autre source.
Résultat : de nombreuses complications sanitaires sont détectées. « Près de 18% des décès concernant la santé maternelle sont liés à un avortement à risque », relève un médecin.
Plusieurs organismes mènent régulièrement des campagnes de prévention, auprès des jeunes et des autorités coutumières, pour leur parler de l’accès à la planification familiale. Un avant-projet de loi à ce sujet a été soumis au secrétariat général du gouvernement.