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Libye: une littérature vigoureuse malgré la situation politique et sécuritaire du pays

Les différends politiques entre l'Egypte et le gouvernement de Tripoli privent la Libye officielle de participation au salon du livre du Caire qui se tient jusqu'au 6 février. Celle-ci est cependant représentée par des petits éditeurs indépendants durant grand rendez-vous culturel. En outre, malgré la situation politique et sécuritaire chaotique, le secteur de l'édition y connaît un essor sans précédent. Cela se traduit notamment par la sélection de deux romans libyens au Booker prize arabe 2023. Une distinction remportée en 2022 par un autre Libyen, Mohamad Alnaas.

Ce sont deux romancières qui ont été sélectionnées pour concourir au Booker arabe, parmi une liste de seize romans. L'une des deux écrivaines est Najwa Ben Shitwan. Son livre, Concerto Corina Edwardo, se penche sur la vie d'une famille tripolitaine durant une période de plus de 40 ans, des années 1970 jusqu'à 2011. Le quotidien de cette famille embrasse évidemment les aléas politiques du pays.

Via sa narratrice, l'autrice nous raconte le système politique et idéologique qui prédominait en Libye. Elle ne nous cache pas qu'une partie de son roman est autobiographique : l'autrice, comme la narratrice, a connu la liberté et l'épanouissement personnel en Italie.

Une liberté qui manque toujours à la société libyenne, selon elle. « Restreindre la liberté semble une fatalité prédestinée à perdurer chez nous, estime Najwa Ben Shitwan au micro d'Houda Ibrahim. Les moyens de censure qui se relayent sur l'écrivain ou même sur le citoyen dans notre société n’ont pas de limite. On en finit avec un pouvoir politique pour se confronter à un pouvoir social ou religieux... On est en permanence en opposition avec de nombreuses idéologies qui veulent imposer leur censure. Je ne pense pas que l'état actuel des choses en Libye nous permette de traiter de n'importe quel sujet de roman qui nécessite de la liberté. C’est pour cela que je vis à l'étranger, et que j'ai pu écrire librement et en me sentant en sécurité ».

« Il y a aujourd'hui une narration différente, plus franche »

Durant la période de Mouammar Kadhafi (1969 à 2011), la pensée indépendante était interdite ou écrasée en Libye par un pouvoir absolu détenteur de la vérité absolu que l’ancien dirigeant a exposé dans son Livre vert. Ainsi, durant les années 1970, seuls les noms de deux écrivains étaient connus hors du pays.

Razan Naïm Al Moghrabi, romancière qui a édité son premier roman en 2004, appartient à la même génération que Najwa Bin Shatwan. Elle souligne l'émergence d'une nouvelle écriture dans la littérature libyenne. « Il y a aujourd'hui une narration différente, plus franche, analyse-t-elle au micro d'Houda Ibrahim. Elle se penche d'une manière plus osée sur notre présent et examine la société libyenne dans ses détails, ses problèmes et ses complexes. Une nouvelle génération est arrivée avec une nouvelle vision et des formes innovantes de récits. Je cite par exemple le style de narration du jeune auteur Mohamad Alnaas ».

Razan Naïm Al Moghrabi poursuit : « Cette génération s'intéresse davantage au monde actuel dans lequel nous vivons. Et elle possède cette marge de liberté qui lui permet de s'exprimer d'une manière un peu plus libre, parce que le régime politique a changé ce qui lui a donné un nouvel élan. Il nous a été interdit de nous attaquer aux sujets historiques. C'est comme si l'état libyen était né en 1969. Il nous a été interdit de toucher à tout ce qui a précédé. »