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Lisbonne: action citoyenne pour la propreté des rues

Inédite dans la capitale portugaise, une initiative citoyenne veut sensibiliser à la question des déchets urbains.

De notre correspondante à Lisbonne, 

Jeunes et moins jeunes, une vingtaine d’habitants de Graça se sont réunis le 1er septembre sur la place du quartier situé dans le centre de Lisbonne. Tous étaient munis de sacs poubelles, de balais et de gants. Un curieux accoutrement sollicité pour l’occasion de l’événement « Action de nettoyage de Graça ». À l’origine de l’initiative, Ana Reis, une habitante du quartier depuis 2014. « J’en ai eu plus qu’assez de voir combien les rues de Graça étaient sales. Les poubelles qui débordent, les sacs plastiques qui s’accumulent, les bouteilles en verre et les mégots amoncelés sur les pavés... Avec quelques amis, on a lancé l’opération, destinée essentiellement à alerter. » Convoqué sur le réseau social Facebook, le rassemblement avait suscité l’intérêt de plus de 200 personnes.

Le petit nombre de participants n’a pas surpris plus que ça Ana Reis. « Au Portugal prédomine ce que j’appelle "la mobilisation du sofa", celle qui consiste à laisser aux autres l’initiative. Or, nous voulons justement sensibiliser la population aux questions des déchets urbains et attirer l’attention des pouvoirs publics », constate la jeune femme.

La place de Graça, après une journée de nettoyage, brillait comme un sou neuf. La mairie, informée au préalable, avait mis à disposition une cinquantaine de conteneurs en plastique pour recevoir les déchets collectés. « C’était disproportionné. Notre action est symbolique. La mairie a voulu se montrer impliquée. Mais elle a montré aussi qu’elle a les ressources si elle y est forcée », commente calmement Ana Reis.

À Lisbonne, la gestion des déchets urbains est bicéphale : la mairie les collecte, les arrondissements nettoient. Le système est en place depuis 2012 mais, sur le terrain, les deux entités se renvoient les responsabilités. « Nous, citoyens, nous jouons le rôle de la balle de ping-pong dans ce jeu de dupes. Pas grand-chose est fait pour lutter efficacement contre l’insalubrité, l’invasion des rats et des cafards », affirme Ana.

Démocratie participative

Après des réponses timides aux sollicitations d'« Action de nettoyage à Lisbonne », les pouvoirs publics ont finalement décidé de se manifester. À haut niveau : le conseiller municipal chargé de l’hygiène urbaine avait fait le déplacement entouré de quelques directeurs et techniciens. Angelo Pereira s’est dit solidaire et a promis du mieux. « Le problème de l’hygiène urbaine à Lisbonne est déjà ancien. Notre équipe municipale est en place depuis dix mois seulement. Nous avons constaté un déficit en ressources humaines de 200 personnes que nous allons embaucher. La mairie va également changer sa flotte de ramassage des ordures, qui date des années 90 et tombe en panne régulièrement. L’investissement va être de 14 millions d’euros. » La question d’une meilleure gestion partagée entre municipalité et arrondissement sera elle-aussi inévitable.

Si les organisateurs de l'initiative citoyenne ont entendu le message, ils se méfient de la récupération politique. Les médias ont répondu présents aux appels du comité de nettoyage, plaçant le débat sous les projecteurs. À la satisfaction, teintée de méfiance, d’Ana Reis. « Nous, ce qui nous intéresse, c’est le vrai sens du mot politique : agir pour un bien collectif, commun. Nous voulons une sensibilisation civique. Faire en sorte que les citoyens redécouvrent l’action locale et la capacité d’intervenir autour  », explique la jeune femme. Cette chercheuse en histoire contemporaine au sein de l’Institut des sciences humaines de l’université Nova a vécu dix ans à Madrid. Elle compare les sociétés madrilène et lisboète. « Le régime autoritaire de Salazar durant 60 ans nous a conduits à une société de soumission dont nous avons du mal à nous libérer. Ici la population "diabolise" la politique qu’elle confond avec l’action partisane. Or tout ce que nous faisons est politique. Sans cette conscience du politique, pas de démocratie. »

L’impossible « jeter dehors »

 « Il faut prendre conscience que le terme "jeter dehors" ne veut rien dire, car il n’y a pas de "dehors" possible. Il faut gérer ici et maintenant pour vivre dans une société plus propre et responsable. » L’action engagée renvoie à cette idée de « rendre à la communauté » ce que chacun a reçu, estime Ana Reis. Former, sensibiliser les gens à leurs poubelles et à leurs contenus, c’est à la fois travailler au développement durable et à l’environnement, mais aussi à la démocratie.

L’action inédite à Lisbonne est un demi-succès. Mais les organisateurs ne veulent pas s’arrêter là. Ils appellent à de nouvelles actions de sensibilisation. Par exemple à Arroios, quartier voisin de Graça, plus populaire et moins « glamour ». « Cette fois, on ne rendra pas la pression touristique totalement responsable des débordements de saletés », assure Paula, résidente de ce quartier et coorganisatrice. Le groupe désormais constitué sur Facebook entend bien mener plus loin « la démocratie de la poubelle ».

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