Ségolène Charvet, qui connaît parfaitement la Moselle viticole, a rejoint l’Ibla cet été. (Photos : julien garroy)
Parfois, les résultats obtenus par la recherche ont du mal à quitter les laboratoires et les revues scientifiques. C’est le travail de l’Ibla que de les communiquer aux principaux intéressés, notamment aux viticulteurs.
Nous sommes en pleine saison des vendanges, presque à la fin même. Certains vignerons n’auront déjà plus aucune grappe dans les vignes ce week-end. Ceux-là auront donc bouclé leur récolte en trois petites semaines seulement, c’est extrêmement court. Dans un vignoble comme celui de la Moselle luxembourgeoise, la norme est de vendanger pendant tout un mois, parfois un peu plus. C’est logique, puisque contrairement a beaucoup d’autres régions viticoles, un grand nombre de cépages poussent sur les rives de la Moselle, du rivaner souvent ramassé en premier au riesling, qui clôt traditionnellement les travaux (mais pas toujours cette année).
L’année 2023 aura été en tous points différente de 2022. La météo n’a pas été facile. L’humidité persistante a causé la prolifération de l’oïdium qui fait pourrir les grappes très vite. De plus, la drosophila suzukii, une petite mouche arrivée d’Asie au Luxembourg autour de 2010, engendre également beaucoup de dégâts dans les vignes. En plantant ses œufs dans les grains de raisin, elle provoque leur pourrissement et la propagation est extrêmement rapide. Voilà pourquoi cette année, les vignerons sont plutôt pressés.
Il s’agit de mettre à disposition des résultats concrets, vite transmis et faciles à comprendre
Pour aider les producteurs dans leur travail de tous les jours, des programmes de recherche sont constamment menés par différents organismes. L’Ibla (Institut pour l’agriculture biologique au Luxembourg) est un de ceux-là. Il se présente sur son site web comme «le centre de compétence pour la recherche et le conseil dans le domaine de l’agriculture et de la viticulture biologiques au Luxembourg». Suivant la devise «la recherche pour la pratique», l’Ibla accorde une grande importance non seulement à la recherche, mais aussi au transfert rapide des résultats et des connaissances dans la pratique par le biais de conseils, de séminaires, de visites d’essais sur le terrain et de diverses brochures d’information actuelles.
C’est dans ce contexte que travaille Ségolène Charvet, qui a récemment rejoint l’équipe. «Mon rôle est de faire le lien entre les chercheurs et les viticulteurs, pour que les avancées scientifiques puissent profiter le plus vite possible aux acteurs du terrain», explique-t-elle. En ce moment, l’Ibla prend part à deux projets de recherche européens dans lesquels sont impliqués les vignerons locaux.
Le projet Horizon rassemble des chercheurs et des agriculteurs de Serbie, du Danemark, de Norvège, de Turquie et du Grand-Duché dans le but de développer des solutions connectées pour les milieux ruraux. Au Luxembourg, le List, Luxsense, SES et l’Ibla sont associés au cœur de ce dossier avec l’objectif d’améliorer le réseau des stations météo qui permettront aux vignerons, notamment, d’obtenir des informations encore plus précises sur le taux d’humidité dans les vignes. Une donnée, on l’a vu, extrêmement importante. L’acquisition de ces nouvelles données pourra être effectuée grâce à des drones qui survoleront les parcelles ou à des caméras installées sur des tracteurs.
«Chaque pays apporte une problématique qui lui est propre — la production d’huile d’olive en Turquie, le transport des porcs au Danemark, l’agriculture durable en Serbie, la viticulture chez nous — et nous développons ensemble des outils d’imagerie très faciles à utiliser sur son smartphone, qui répondent aux besoins spécifiques de chaque groupe cible.»
Carte d’identité
Nom : Ségolène Charvet
Âge : 37 ans
Poste : Recherche et développement
Profil : Ingénieure agronome diplômée de l’École d’agronomie de Dijon, elle œuvre beaucoup pour le rassemblement transfrontalier des vignerons mosellans luxembourgeois, allemands et français au sein du GEIE Terroir Moselle. Elle a rejoint l’Ibla à temps partiel en juillet, tout en gardant son activité à Terroir Moselle.
«Mettre en commun nos expériences est très intéressant»
Au premier abord, il peut paraître étrange que des solutions communes puissent être développées à partir de productions agricoles si différentes, mais c’est pourtant bien le cas. «Mettre en commun nos expériences est très intéressant et, finalement, les moyens qui permettent de rendre accessibles les informations sont les mêmes pour tout le monde. Dans chaque cas, il s’agit de mettre à disposition des résultats concrets, vite transmis et faciles à comprendre», souligne Ségolène Charvet. Pour être sûr que l’offre corresponde aux attentes, l’Ibla s’est chargé de proposer un questionnaire aux vignerons et il s’est avéré qu’ils étaient intéressés par l’obtention de ces informations via leur smartphone.
Le second projet concerne une maladie du bois provoquée par des champignons, qui cause beaucoup de dommages dans les vignes depuis plusieurs années : l’esca. Lancé depuis deux ans avec l’Institut viti-vinicole (IVV), le List et l’Ibla, le programme Monesca a permis de mieux connaître cette affection qui se termine par la mort du cep si l’on ne fait rien. Entre 5 % et 10 % des vignes sont touchées, c’est beaucoup.
«À l’Ibla, notre rôle est là encore de transférer le résultat des recherches et les moyens de lutter contre cette maladie aux vignerons sans utiliser de produits chimiques, avance Ségolène Charvet. Par exemple, il est avéré que les blessures de taille peuvent provoquer l’arrivée de l’esca, mais qu’en taillant différemment, en prenant soin de ne pas couper le flux de sève, l’esca n’a pratiquement pas de chance de se développer. Avec l’IVV, nous organisons donc des cours de taille pour les vignerons et leurs employés.» Ce projet, lancé il y a deux ans, s’achèvera en avril 2024.
La questionL’Ibla ne s’intéresse-t-il qu’aux producteurs bios?
L’acronyme (Institut pour l’agriculture biologique au Luxembourg) pourrait le faire penser, mais ce n’est pas le cas. L’Ibla peut venir conseiller tous les agriculteurs et viticulteurs, si tant est que leurs demandes concernent des pratiques applicables en bio. « Nous pouvons renseigner tout le monde, sans distinction, sur les méthodes ou l’utilisation de produits bios, souligne Ségolène Charvet. Nous ne demandons pas à nos interlocuteurs s’ils sont labellisés! Le plus important pour nous est qu’ils se placent sur un chemin respectueux de l’environnement.»