Le racisme pèse sur les populations noires à travers toute l'Europe (Photo d'illustration : Flickr)
L’Agence européenne des droits fondamentaux met en exergue, dans une étude publiée ce mercredi, la forte montée du racisme en Europe. Et le Luxembourg n’y échappe pas. Près de la moitié des personnes noires du pays expliquent avoir été victimes de discriminations dues à leur couleur de peau, au cours des cinq dernières années.
Discrimination dans la recherche d’un emploi ou d’un logement, interpellations par la police, harcèlement : près de la moitié des personnes noires au sein de l’Union européenne se disent confrontées au racisme, selon un rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA) rendu public ce mercredi 25 octobre.
La situation s’est même dégradée puisqu’ils sont désormais 45% à déclarer avoir été victimes de racisme au cours des cinq années précédant l’enquête, contre 39% auparavant. Au Grand-Duché, la tendance est à la baisse, mais reste alarmante. En 2022, 47% des sondés expliquaient avoir été victimes de racisme au cours des cinq dernières années. Ils étaient 69% en 2016, année où le pays était en tête du classement devant la Finlande (61%), l’Autriche (51%) et la Suède (51%).
Discrimination dans le travail
Le rapport note des injustices flagrantes dans le monde du travail notamment, où plus de 30% des personnes interrogées faisant état de discriminations en Europe. Au Luxembourg, ils étaient 38% à avoir subi des discriminations raciales lors d’une recherche d’emploi, durant les cinq ans avant la publication du rapport. Cette statistique atteint des scores conséquents en Autriche (59%), en Allemagne (56%) et en Finlande (53%).
Dans la même veine, 32% des personnes noires au Grand-Duché disent être victimes de discriminations raciales sur leur lieu de travail. Dans ce domaine, l’Autriche, l’Allemagne et la Finlande tiennent toujours sur le podium. Chez nos voisins français, cette donnée grimpe à 26%. Elle est de 37% en Belgique.
À noter que selon les données récoltées, près d’un tiers des personnes interrogées ayant un emploi (32%) exercent des professions élémentaires, contre 8% de la population générale. Les professions élémentaires consistent généralement en un travail impliquant des tâches physiques et sans responsabilité. Les discriminations raciales les plus élevées ont été relevées en Espagne (68%) et en Italie (46%) et les plus faibles en Pologne (9%). Au Luxembourg, ce chiffre atteint 20%.
Mais les personnes noires sont confrontées à ce racisme bien avant d’être dans le monde du travail : dès l’école, les enfants noirs en sont victimes. Sur notre territoire, 26% d’entre eux ont déjà été la cible de commentaires offensants ou menaçants, 12% de violence physique (par exemple coups, tiraillement des cheveux et coups de pied) ; et 14% d’exclusion (isolement) pendant les récréations ou lors des soirées entre amis.
Une violence qui pèse
Un tiers (33%) des personnes interrogées indiquent avoir été victimes de harcèlement raciste durant les douze mois précédant l’enquête. Au Luxembourg, ce chiffre descend à 15%. Il était à 21%, il y a cinq ans. Toujours au Grand-Duché, 2% des sondés expliquent avoir subi des violences racistes, durant les cinq ans avant la publication du rapport.
Des actes qui finissent par peser sur l’ensemble des personnes noires puisque, sur notre territoire, 42% des personnes interrogées craignent de devenir victimes d’insultes, 49% s’inquiètent de subir des gestes offensants et 42% pensent s’exposer à des violences physiques en raison de leur origine.
Un manque de confiance envers la police
Au niveau européen, 76% des personnes noires ayant signalé un incident de harcèlement raciste à la police sont plutôt insatisfaits (76%) de la façon dont la plainte a été traitée. La pratique du profilage racial est également dénoncée, alors que plus de la moitié des sondés (58%) récemment arrêtés par les forces de l’ordre estiment avoir été ciblés en raison de la couleur de leur peau.
Les taux les plus élevés ont été enregistrés en Allemagne (69%), en Espagne (66%) et en Suède (58%), tandis que les taux les plus bas sont localisés au Luxembourg (22%), en Pologne (32%) et en Finlande (34%). Ces résultats conduisent à « une perte de confiance » dans les forces de l’ordre, particulièrement marquée en France, pays épinglé ces dernières années par des organisations internationales pour les violences policières. Le Grand-Duché enregistre le score le moins élevé, un chiffre déjà souligné par le Statec, en début de semaine, dans une enquête portant sur la confiance dans les instituions. Devant le gouvernement et la justice, la palme revenait à la police qui inspire confiance à 70 % des interrogés.
Mme Latcheva, chargée de ces questions au sein de la FRA, exhorte les États membres à « recueillir des données » pour mieux lutter contre le phénomène. Et surtout à appliquer contre les auteurs d’actes racistes « des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ». Aujourd’hui, seulement 9% signalent la discrimination « car ils pensent que leur parole ne changera rien ».
Un accès difficile au logement
En dehors du travail, le racisme perturbe également l’accès à un logement, notamment à cause du nom de famille ou encore de l’accent. Une discrimination qui pousse bien souvent les personnes de couleur à accepter des offres dans des habitations vétustes ou trop petites.
Le rapport souligne le fait qu’un répondant sur deux (45%) d’ascendance africaine dans les 13 pays interrogés vit dans des logements surpeuplés – une proportion plus de 2,5 fois plus élevée que celle de la population générale de l’UE-27 (17% en 2022). Au Luxembourg, ce taux atteint 30%. Il grimpe jusqu’à 60% en Suède et 58% en Finlande. Dans tous les pays étudiés, à l’exception de la Pologne, les personnes interrogées d’ascendance africaine sont plus susceptibles de vivre dans des logements surpeuplés que la population générale.
18% des sondés au Luxembourg indiquent vivre dans un logement vétuste contre 15% de la population générale. C’est au Portugal que ces chiffres sont les plus élevés avec 33% des personnes noires interrogées expliquant habiter dans un logement envahi par l’humidité, avec des fuites et de la moisissure sur les murs.
Près de 6 800 immigrants d’ascendance africaine – nés dans un pays subsaharien ou dont au moins l’un des parents est originaire de cette région du monde – ont été interrogés pour cette étude entre octobre 2021 et octobre 2022 dans 13 pays de l’UE.
Les résultats sont particulièrement « alarmants » en Allemagne et en Autriche, où le pourcentage de ceux qui se disent exposés au racisme dépasse les 70%.
L’ensemble de l’étude est à retrouver ici