Luxembourg
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Agressé au volant de son bus : «Par moments, j’ai encore peur»

À l’image de ce qui se fait aux CFL, le LCGB plaide pour des agents de sécurité privés sur les lignes de bus sensibles. (photo d'illustration Julien Garroy)

La récente agression de deux chauffeurs de bus a ravivé le traumatisme d’Eric, lui-même violemment frappé il y a un an, tandis que le LCGB fulmine et interpelle – une nouvelle fois – les autorités.

Un an a passé, mais Eric se rappelle chaque seconde de son agression : la violence du coup de poing en plein visage, le sang sur le tableau de bord, la douleur étourdissante, la sidération. Des flashs qui réaniment le traumatisme à chaque fois qu’il entre dans Colmar-Berg, où l’attaque a eu lieu, au volant de son bus.

Loin de s’éloigner de son métier qu’il aime tant, ce chauffeur de 49 ans à la carrure imposante – il mesure près de deux mètres – a souhaité retrouver au plus vite son poste de conduite, y compris ce trajet Luxembourg-Ettelbruck. Même si tout n’est plus comme avant : «J’ai un sentiment bizarre en repassant à cet endroit. Mais non, je n’ai pas demandé à en être écarté», précise Eric, qui confie que les courses nocturnes sont devenues plus difficiles. «Lors des derniers départs, à 23 heures ou minuit, je ne suis pas serein. Par moments, j’ai encore peur», reconnaît-il.

Ce soir du 14 novembre 2021, il assure la liaison entre la gare de Mersch et celle d’Ettelbruck sur la ligne RGTR 402 (aujourd’hui 119) pour la société Alltra. Dans l’entreprise, des collègues ont déjà été confrontés à des insultes ou des menaces de la part d’usagers, mais rien de plus.

Il revit la scène : «J’ai chargé deux personnes à Mersch qui ne portaient pas de masque, alors qu’on était en plein pic de Covid. Je leur ai rappelé qu’il était obligatoire dans les transports en commun.» Un peu agités pendant le voyage, en arrivant à Colmar-Berg, les individus poussent le bouton pour descendre au prochain arrêt. Eric ralentit le bus au niveau du Faubourg et aperçoit dans son rétroviseur qu’un homme s’approche : «Il a arraché les rubans rouge et blanc à côté de moi et, alors que je tournais la tête, j’en ai pris une», raconte-t-il, pudiquement.

Une opération et 15 jours d’arrêt de travail

Un coup de poing d’une rare violence l’atteint au niveau du nez, provoquant une fracture ouverte, avec perforation de la cloison nasale. Sérieusement blessé et sous le choc, le chauffeur parvient à stopper le véhicule, tandis que les malfrats disparaissent dans l’ombre. Seul, couvert de sang, Eric trouve la force de donner l’alerte. Transporté d’urgence à l’hôpital, il subit une lourde opération et se voit prescrire 15 jours d’arrêt de travail.

«On essaye de passer au-dessus, mais c’est pas toujours évident», soupire-t-il. Avec le recul, ce professionnel pense qu’une cabine sécurisée aurait sans doute changé les choses dans son cas : «Cela aurait été plus compliqué de m’atteindre. Je trouve ça sécurisant». Désormais employé chez Voyages Ecker, il sillonne toujours le nord du pays à bord de son bus, malgré les réticences de son épouse qui craint pour sa sécurité.

Il attend surtout des responsables au gouvernement qu’ils prennent leurs responsabilités : «Je ne suis pas sûr qu’ils aient conscience de la réalité du terrain. Je les invite à monter dans un bus au milieu de la nuit pour s’en rendre compte», lance Eric.

Le ministre de la Sécurité intérieure sollicité

Dans la longue liste d’agressions répertoriées cette année, quinze se révèlent particulièrement violentes – coups, jets de pierres, tirs au pistolet à plomb, attaque au couteau – et la moitié ont eu lieu ces trois derniers mois. Pour le LCGB, majoritaire dans le secteur, c’en est trop : les représentants syndicaux fulminent et en appellent maintenant au ministre de la Sécurité intérieure, et plus seulement au ministre de la Mobilité. Une entrevue urgente vient ainsi d’être sollicitée avec Henri Kox et François Bausch.

Si l’annonce de l’installation de cabines sécurisées dès 2023 dans les bus est perçue comme «un pas dans la bonne direction», le LCGB estime que cette mesure ne suffit déjà plus : «Les agressions sont de plus en plus fréquentes, avec un degré de violence plus élevé», déplore Paul Glouchitski, secrétaire syndical. «Nous revendiquons le renforcement des contrôles et des patrouilles de police dans les bus, avec l’ajout d’agents de sécurité privés sur les lignes et créneaux les plus sensibles. Ce qui a été fait dans les trains et qui s’avère efficace.»

Des actions qui devront être menées rapidement, alors qu’au-delà de la sécurité des chauffeurs, c’est aussi celle des usagers qui est en jeu, souligne le LCGB, tout comme l’attractivité du métier, qui souffre déjà d’une pénurie de main-d’œuvre.