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Brésil : pourquoi les sondages ont-ils sous-estimé Bolsonaro ?

L'écart entre les deux hommes est plus mince que prévu. (photo AFP)

Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro et ses alliés ont obtenu des scores bien plus importants lors des élections dimanche que ceux prédits par les enquêtes d’opinion.

L’Agence France-Presse fait le point sur cet échec et les conséquences pour le deuxième tour le 30 octobre, où Bolsonaro affrontera son rival, l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).

Que montraient les sondages ?

Le candidat du Parti des travailleurs (PT) Lula a obtenu 48 % des voix, contre les 50 % et 51 % prédits par les instituts de sondage renommés Datafolha et Ipec. Le résultat entre ainsi dans la marge d’erreur de +/- 2 points.

C’est le succès du bolsonarisme que les enquêtes d’opinion n’ont pas prévu. Le président sortant a obtenu 43 % des voix avec 99 % des votes comptabilisés, contre un score maximum de 37 % attribué par les sondages les jours précédents.

Deux autres alliés du président ont également défié les prévisions. Le gouverneur de Rio de Janeiro, Claudio Castro, a été réélu au premier tour avec plus de 58%, alors que les sondages prévoyaient entre 44 % et 47 %.

À São Paulo, le candidat bolsonariste Tarcisio de Freitas s’est qualifié pour le second tour pour le poste de gouverneur d’État après avoir obtenu 42 % des voix, soit 11 points de plus que le score de 31 % prévu dans les enquêtes d’opinion.

« Les sondages ne font pas de prévisions, ils sont comme un instantané (du moment), pas un film. Mais les derniers sondages de vendredi et samedi montrent qu’il y a eu de grosses erreurs, non seulement dans l’élection présidentielle, mais aussi dans l’élection des sénateurs et des gouverneurs », a déclaré Leandro Gabiati, directeur du cabinet de conseil Dominium à Brasilia.

Pourquoi cet échec ?

Les raisons de cet échec étaient au centre des questionnements dans la presse brésilienne ce lundi.

Les conclusions finales mettront un certain temps avant d’émerger, mais les analystes avancent déjà toute une série de raisons, allant d’éventuels problèmes de conception du sondage pour capter les intentions de vote dans certains secteurs, à des mouvements de dernière minute de votes indécis.

« S’agit-il d’une migration des votes utiles (d’autres candidats tels que Simone Tebet et Ciro Gomes) ? Y a-t-il eu une volatilité des votes de dernière minute ? Les sondages étant très éloignés de la réalité, nous ne savons pas si Bolsonaro a réellement progressé ou s’il avait déjà ce soutien », souligne Leandro Gabiati.

Selon la politologue Mayra Goulart de l’université fédérale de Rio de Janeiro, il y a un « black-out de l’information au Brésil » dû au retard de deux ans du recensement démographique causé par la pandémie.

Ce retard a pu affecter la précision de l’échantillon, en particulier dans des segments tels que les évangéliques, « un secteur populaire capable de donner des voix à l’extrême droite », dit Mayra Goulart. « Il est probable que le recensement de 2022 permettra de corriger certaines de ces incohérences pour les futures élections », convient Guilherme Casaroes, politologue à la Fondation Getulio Vargas.

Conséquences pour le scrutin et la démocratie

« Cela va affecter l’analyse des journalistes et des experts », prédit Leonardo Paz, consultant pour le Brésil auprès de l’ONG Groupe de crise international. Ces divergences constituent un « gros problème pour les instituts et pour la démocratie elle-même », souligne Leandro Gabiati. « Les sondages sont un élément important du processus électoral et il est terrible pour la démocratie que cet acteur soit ainsi remis en cause », dit le spécialiste, pour qui les sondages seront l’un des principaux enjeux du scrutin.

Le président d’extrême droite Jair Bolsonaro renforcera son discours selon lequel ce qui compte, c’est la température dans la rue, qu’il appelle « DataPovo » (DataPeuple, en référence à Datafolha).

Bolsonaro va avancer que « la victoire est assurée, car les sondages ne reflètent pas la réalité », dit Leandro Gabiati, ajoutant que le président dira « que les sondeurs travaillent pour l’opposition et que les grands médias qui les engagent agissent de manière biaisée ».

Mayra Goulart met en garde contre le risque que la critique des sondages ne se transforme en un discours négationniste généralisé. « Mettre en échec les sondages électoraux dans un contexte de populisme d’extrême droite, c’est aussi mettre en échec la science et les sources d’information fiables, dont les médias », prévient-elle.

Le député Eduardo Bolsonaro, fils du président, a annoncé ce lundi qu’il allait recueillir des signatures pour ouvrir une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les « instituts de sondage » et leurs erreurs.