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[C’était mieux avant] Romain Feitler : «Sur 85 voitures, c’est moi qui ai gagné !»

Romain Feitler fait partie du cercle très fermé des pilotes luxembourgeois ayant pris part aux 24 Heures du Mans. (photo DR)

Illustre pilote du Grand-Duché, Romain Feitler a fait carrière durant les années 70-80. En 1978, il est au départ des 24 Heures du Mans au volant de sa Porsche 934.

Quels sont vos plus grands exploits ?

Romain Feitler : J’ai remporté la Coupe Gordini au Nürburgring en 1975. Sur 85 voitures, c’est moi qui ai gagné ! J’étais le seul Luxembourgeois à être présent. J’ai remporté le Grand Prix de Rouen devant des pilotes comme Jean-Pierre Jaussaud, Jean-Pierre Beltoise ou encore Jean-Pierre Jarier. J’ai aussi gagné les 500 km de Francorchamps devant toute l’élite européenne. J’ai également fait deux fois les 24 Heures de Spa-Francorchamps avec Paul Belmondo (NDLR : le fils de Jean-Paul) quand il avait 19-20 ans.

On a roulé dans la même voiture, une BMW, et je l’avais un peu conseillé à l’époque. D’ailleurs, il a fait de la F1 après. Et puis, au Rallye Monte-Carlo, une très grande course, j’ai fait deux fois 19e au scratch sur 300 voitures quand même. Moi, je faisais plus du circuit et, en hiver, il n’y avait pas de course de circuit, alors on était libre, et donc à cette période, c’était le rallye de Monte-Carlo, ça me plaisait bien.

Et votre participation aux 24 Heures du Mans ?

C’est un très bon souvenir ! C’était encore l’ancien circuit avec la longue ligne droite des Hunaudières. En fait, on roulait à quatre. Il y avait le célèbre Hervé Poulain, un commissaire-priseur qui roulait avec moi, et deux Allemands. Gerhard Holup (NDLR : le deuxième était Edgar Dören) avait fait son relais et était rentré la nuit en me demandant de prendre la suite. J’ai roulé dans la ligne droite des Hunaudières et la voiture commençait à zigzaguer. Je me suis dit que quelque chose n’allait pas, donc je suis tout de suite rentré au stand : le pneu allait éclater, j’étais à plus de 300 km/h. Si je ne m’étais pas arrêté, le tour d’après, j’aurais pu me faire très, très mal… Le type n’avait rien dit, il avait dit que la voiture marchait bien !

Après ça, on a cassé la boîte de vitesses à la 16e heure, donc on n’a pas pu terminer. J’ai fait les 24 Heures du Mans parce que Nicolas Koob m’avait emmené là-bas, il m’avait un peu expliqué comment rouler. C’était un très bon pilote ! Il m’avait dit de le faire. C’était une superbe expérience ! C’est magnifique, cette course, c’est mythique ! Dans le temps, c’était très dangereux avec cette ligne droite des Hunaudières (6 km). Moi j’avais une Porsche, je roulais à 300 ou 320 km/h, mais d’autres à 380, alors quand on se fait dépasser, je ne vous dis pas ce que cela fait.

Votre plus grand regret ?

Quand j’ai commencé en 1974 en Formule Renault, je courais avec René Arnoux et Didier Pironi. On m’a laissé un peu de côté parce que j’étais luxembourgeois. On a préféré prendre les Français, alors je n’ai pas pu accéder tout de suite en Formule 2 ou en Formule 1.

Alain Prost était un vrai professeur. Il calculait tout et savait bien régler ses voitures

Un pilote qui sortait du lot ?

Alain Prost ! Il était très calculateur : c’était un vrai professeur qui calculait tout, qui savait bien régler ses voitures, et c’était ça son avantage. D’ailleurs, il n’a jamais eu un accident, il ne s’est jamais blessé. Quand ça n’allait pas, il s’arrêtait et il faisait vérifier la voiture pour ajuster ce qu’il fallait. Il était très fort là-dedans ! C’était Alain Prost, c’était le plus fort !

Le plus gentil?

Il n’y en a pas beaucoup, des gentils (il rit). Il y a un pilote qui m’a beaucoup aidé, c’est Jean-Louis Schlesser. Il a été champion du monde avec Mercedes, il a aussi gagné le Paris-Dakar. C’est lui qui m’a introduit dans d’autres écuries pour être pilote. Dans le temps, il fallait toujours avoir un sponsor ou de l’argent pour pouvoir piloter une bonne voiture, et lui c’était un peu une star. Il était très gentil avec moi.

La course que vous n’aimiez pas faire ?

J’ai aimé faire toutes les courses. Mais celle que je n’aurais pas aimé faire, c’est le Paris-Dakar (NDLR : aujourd’hui Rallye Dakar), ça ne m’intéressait pas, parce que c’était dans le sable, et je trouvais que c’était très dangereux. Dans le temps, tous les circuits étaient dangereux. Maintenant, s’ils sont bien faits, et pareil pour les voitures, il y a moins de danger pour les pilotes.

Sur 85 voitures, c’est moi qui ai gagné au Nürburgring ! J’étais le seul Luxembourgeois à être présent

Votre préférée ?

Au Nürburgring : le grand, celui de 25 km. Pas le petit qui est le circuit du Grand-Prix maintenant. C’était un super circuit, ça montait, ça descendait. Il y avait plus de 100 virages, c’était très compliqué à analyser. Là-bas, j’ai fait plusieurs fois les 18, les 24, et les 36 heures, de grandes courses comme celles-ci.

Votre plus grosse frayeur ?

J’en ai eu une aux 24 Heures de Francorchamps avec une Ford Sierra. J’ai perdu une roue arrière et j’ai fait un tête-à-queue : j’ai perdu connaissance, mais je n’étais pas blessé. Il n’y avait plus aucune roue sur la voiture, il n’y avait plus rien… juste la carrosserie et j’étais assis dedans. Quand je suis revenu à moi, je voulais repartir, mais le commissaire de course m’a dit : « Arrêtez ! Arrêtez ! Il n’y a plus de roue, il n’y a plus rien ! ». C’est venu subitement, à très haute vitesse, puisqu’on roulait à 250 km/h à peu près. J’ai alors perdu une roue, puis le contrôle de la voiture et j’ai tapé dans les rails. Heureusement, je n’ai pas eu un choc frontal, sinon… Je n’ai pas perdu connaissance longtemps, peut-être 2 ou 3 minutes.

Votre meilleure voiture ?

La plus rapide que j’ai eu, c’était une March en Formule 2. Je faisais des courses de côte avec. Dans le temps, ça avait plus de 300 chevaux et c’était énorme. Je parle des années 75-76. Aujourd’hui, presque chaque voiture de tourisme a 300 chevaux (il rit).

Le jour où vous avez décidé d’arrêter ?

Je faisais le Tour de Corse et la voiture ne marchait plus du tout. Ma direction m’a lâché, et là j’ai dit à mes mécanos : « Maintenant j’arrête ! ». Et je ne suis plus monté dans la voiture, j’ai arrêté à l’âge de 40 ans. Je ne me sentais plus bien, j’ai eu peur, j’ai eu une frayeur parce que la direction ne marchait plus. J’ai failli faire une sortie de route, et voilà, ça m’a fait un choc. Je me suis dit que je ne monterais plus dans une voiture de course.

En brefAujourd’hui

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Romain Feitler fait partie du cercle très fermé des pilotes luxembourgeois ayant pris part aux 24 Heures du Mans. Au total, ils ne sont que trois à avoir piloté à l’occasion de cette «magnifique course» : Nicolas Koob, Dylan Pereira et donc lui (en 1978). Outre sa participation à un évènement d’une telle envergure, l’ex-coureur a également concouru dans un nombre incalculable d’épreuves sur des circuits plus mythiques les uns que les autres : au Nürburgring, à Spa-Francorchamps et même au Rallye Monte-Carlo.

Âgé de 77 ans, Romain Feitler vit une retraite paisible entre Cannes et la Thaïlande. Fan d’automobile, le Luxembourgeois continue de suivre avec assiduité les différents Grands Prix, parce que même à l’autre bout du monde (où il se trouve actuellement), «il y a tout (ce qu’il faut) pour regarder». Mais l’ancien pilote ne se contente pas de visionner les courses sur son écran de télévision, il pratique le karting en loisir.