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CinÉast : «l’évidence» de l’Ukraine

Sept films seront en compétition. Parmi eux, R.M.N., de Cristian Mungiu, très remarqué au dernier festival de Cannes, ou le film ukrainien How Is Katia?, de Christina Tynkevych. (photo Dalboyne)

Du 6 au 23 octobre, le festival CinÉast célèbrera sa quinzième édition. Avec l’Ukraine au programme et un soutien tant artistique qu’humanitaire.

Le festival CinÉast débutera sa quinzième édition le 6 octobre. Au programme, cent films (55 longs métrages et 45 courts métrages) venus d’une vingtaine de pays d’Europe centrale et orientale. Parmi eux, une compétition de sept films que devra départager le jury international, présidé par la réalisatrice macédonienne Teonora Strugar Mitevska.

Le festival reste aussi fidèle à son «Cinéfocus», soit «un coup de projecteur sur un pays en particulier», explique le directeur de CinÉast, Radek Lipka. Après la Hongrie en 2020 et la Slovénie en 2021, c’est la République tchèque qui sera à l’honneur cette année, avec «le plus grand des « Cinéfocus » qu’on ait jamais faits», avec, bien sûr, des projections de films, mais aussi des ciné-concerts, deux expositions et des rencontres autour du pays qui, cette année, a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Et puis, l’actualité a fait que la République tchèque ne sera pas le seul pays à être célébré avec un copieux programme. Quand «la guerre en Ukraine est arrivée, pour nous, c’était une évidence», assure Radek Lipka : «Il nous fallait faire quelque chose de fort». Alors le festival, dont son directeur nous glisse qu’il est tenu à bout de bras par «une équipe limitée» et en grande partie bénévole, a redoublé d’efforts pour mettre en place un «Programme ukrainien». L’objectif est double : «donner de la visibilité» aux artistes – et aux cinéastes en particulier – d’Ukraine, et «prolonger ce que les films peuvent apporter au public» en termes de compréhension de la guerre et de son contexte.

Six films ukrainiens

À l’intérieur de ce programme, quasiment un festival dans le festival, CinÉast tient à «croiser les disciplines». Du cinéma donc – six films ukrainiens seront montrés, dont How Is Katia?, de Christina Tynkevych, en compétition, la coproduction luxembourgeoise Pamfir, de Dymytro Sukholytkyy-Sobchuk, ou encore le film d’ouverture, Luxembourg, Luxembourg, d’Antonio Lukich –, mais pas que. Deux concerts, deux expositions (dont «Chameleon Women from Ukraine», un projet photographique de l’artiste Alyona Sukhorukova, qui sera exposé du 8 octobre au 13 novembre à l’Ancien Cinéma, à Vianden) et un débat sont notamment prévus.

 

«On essaie de faire tout ce qu’on peut pour que notre soutien à l’Ukraine ne soit pas que dans les mots», martèle le directeur du festival. Le soutien à l’Ukraine est artistique, certes, mais surtout humanitaire. Pour le projet caritatif CinÉast4Ukraine, lancé au mois de mars et qui se poursuivra «à plus grande échelle» durant le festival, Radek Lipka s’en remet à «la générosité des festivaliers» : «On pourra ajouter un euro au prix des billets, faire des dons sur place, participer à des cagnottes, acheter les photos des expositions…».

Les fonds récoltés serviront à atteindre la somme espérée de 20 000 euros, nécessaire pour «acheter une ambulance équipée que l’on enverra en Ukraine». Par ailleurs, et toujours dans un souci humanitaire, CinÉast offrira un accès libre et gratuit aux projections et à une partie des évènements aux réfugiés ukrainiens résidant au Luxembourg.

«Paix, solidarité et vérité»

À l’intérieur de ce programme, Radek Lipka met en avant une soirée qui comptera sans doute comme la plus importante : celle dédiée à une sélection de courts métrages ukrainiens (le 12 octobre à Neimënster), réalisés entre 2014 et 2022, suivie d’un débat. «Ce n’est pas un colloque international, ce n’est pas le but d’ailleurs, mais nous y voyons un moyen d’apporter un peu de contexte, un éclairage à cette guerre, en s’éloignant des chaînes d’info.» Dans ce contexte d’un conflit surmédiatisé, le directeur réfléchit au rôle que peuvent avoir les images de fiction quand elles sont confrontées au réel; tous les films ukrainiens sélectionnés ne parlent pas de la guerre et ne sont certainement pas «des films de propagande mais des œuvres reconnues à l’international, dans des grands festivals comme Cannes ou Venise».

Pour autant, il semble inévitable de tirer un lien entre ce que l’on voit et ce que l’on sait. Radek Lipka : «On n’a pas de slogan cette année, mais si l’on devait en avoir un, il tiendrait en trois mots. Paix, solidarité et vérité. Car si on en est là, c’est en grande partie à cause d’une désinformation qui dure depuis des années.» Côté documentaire, le directeur mentionne One Day in Ukraine, de Volodymyr Tykhyy, un film court et «brut, qui cogne, faisant entrer le public dans la peau des personnes qui subissent cette guerre», et qui constituera un temps fort de ce programme.

Cette 15e édition de CinÉast présentera une autre particularité, celle de maintenir un volet «online», qui se poursuivra jusqu’à deux semaines après la fin du festival, «comme un rattrapage», glisse Radek Lipka. «On ne parle pas de l’édition 2022 comme d’une édition hybride, comme en 2020 ou 2021. C’est une édition physique, avec une partie – environ la moitié des films de la sélection – qui sera visible en ligne.» Un discours qui semble déjà inhabituel, à l’heure où tous les festivals de cinéma désirent le retour des festivaliers en salles.

«Notre combat est le même qu’ailleurs, tempère le directeur de CinÉast : on continue de souligner que la salle est importante et qu’un festival comme le nôtre se nourrit aussi des débats, des rencontres, des discussions, bref, du cinéma comme expérience sociale. Mais on sait aussi que les gens ont pris certaines habitudes (pendant la pandémie), ou que leur situation ne leur permet simplement plus de venir regarder les films sur place.» Et la plateforme en ligne aura elle aussi une vocation caritative : «À chaque visionnage, un euro sera reversé» à CinÉast4Ukraine.

Les sept films en compétition

107 Mothers, de Peter Kerekes (Slovaquie)

Gentle, d’Anna Eszter Némes et László Csuja (Hongrie)

How Is Katia ?, de Christina Tynkevych (Ukraine)

Moja Vesna, de Sara Kern (Slovénie)

Occupation, de Michal Nohejl (République tchèque)

Other People, d’Aleksandra Terpińska (Pologne)

R.M.N., de Cristian Mungiu (Roumanie)

Un film d’ouverture
au titre «très à propos»

La 15e édition du festival CinÉast sera inaugurée dans la salle Robert-Krieps de Neimënster le 6 octobre, avec un film d’ouverture intitulé… Luxembourg, Luxembourg, du réalisateur ukrainien Antonio Lukich. «On voulait marquer le coup en démarrant le festival avec un film ukrainien, explique Radek Lipka, et celui-ci est arrivé très à propos.» D’autant plus qu’il a été remarqué à la Mostra de Venise, début septembre, où il concourait dans la section Orizzonti.

Le deuxième long métrage du jeune cinéaste raconte le périple de deux frères jumeaux qui partent à la recherche de leur père, dont ils apprennent qu’il est mourant au Luxembourg. Malgré leurs sentiments opposés sur ce père qui les a abandonnés à l’enfance, Kolia et Vasya (interprétés par de vrais jumeaux, les frères Amil et Ramil Nasirov, du groupe de hip-hop Kurgan & Agregat) s’embarquent dans ce voyage qui se révèlera être, en réalité, une quête d’identité.

Si seulement une partie du film se déroule au Grand-Duché, le public pourra s’amuser à reconnaître des lieux emblématiques de la capitale et de ses alentours. Radek Lipka l’assure : ce nouveau long métrage d’Antonio Lukich a «un lien évident avec le Luxembourg, mais il y a aussi un lien direct avec notre festival».

Le réalisateur avait été invité à l’édition 2019 de CinÉast pour présenter son premier film, My Thoughts Are Silent. «Il a découvert la ville et ses alentours, c’est ce qui lui a donné l’idée d’inclure le Luxembourg dans son film.» Le festival a renouvelé l’invitation au cinéaste cette année, mais «malheureusement, nous n’avons toujours pas de nouvelles», regrette le directeur, espérant toutefois une réponse positive, même tardive, d’Antonio Lukich.

V. M.