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Mondorf : de la guerre à la paix, il n’y a qu’une fresque 

En 40 ans, Pascal Woestelandt a accompagné de nombreux jeunes dans l’apprentissage de la poterie et des arts connexes. (Photo : julien garroy)

Après plusieurs voyages en Ukraine, l’artiste et enseignant Pascal Woestelandt pilote la création d’une fresque géante en soutien à l’Ukraine. À l’instar de plusieurs structures européennes, le complexe scolaire Maria Teresa apporte sa pierre au projet.

Au premier étage du complexe scolaire Grande-Duchesse Maria Teresa de Mondorf-les-Bains, des élèves du troisième cycle vêtus de t-shirts usagés et tachetés forment un demi-cercle à l’extrémité d’une large table. Des mains s’y agitent au rythme des conseils prodigués par Jacqui Petin et Marc Barthelemy, deux enseignants qui officient à l’Artec, la plateforme dédiée aux cours de céramique. Alors que l’agitation se tasse, des symboles de paix, des colombes et des drapeaux de l’Ukraine se dévoilent sur des plaques en argile dont la première cuisson est prévue dans quelques jours.

Ce travail, qui affiche déjà une beauté manifeste, n’est qu’une partie infime d’un projet bien plus ambitieux, dont Pascal Woestelandt est l’instigateur. Sous son aspect remuant, qui n’est autre que la traduction de son investissement, ce Français originaire du Nord est un sage. En quelques mois, il a échafaudé une entreprise artistique européenne en soutien à l’Ukraine, qui se matérialise en une fresque géante composée par des enfants originaires de 196 pays : «La question était : qu’est-ce nous pouvons, moi et les enfants dans les écoles et maisons de jeunes où j’enseigne, apporter dans la recherche de la paix?», pose-t-il.

Plusieurs élèves du troisième cycle à Mondorf préparent des plaques d’argile où symboles de paix et colombes sont apposés. Photo : julien garroy

«On ne bombarde pas une école»

Depuis près de 40 ans, l’artiste et enseignant s’adonne à la poterie et aux arts qui en découlent. Son expérience en tant que professeur de tournage au Centre pour la promotion des arts et les années à sillonner les écoles luxembourgeoises, belges et françaises pour initier au deuxième art lui ont conféré une certaine légitimité dans son milieu.

Lorsqu’il observe le début du conflit en Ukraine, il pense en premier lieu eux enfants, lui qui a vu défiler tant de petites âmes sur ses bancs. Puis il est informé, en mai 2022, que des bombardements russes ont touché une école dans la région de Louhansk : «Cet événement m’a beaucoup perturbé et je me suis senti concerné par ce qu’il s’était passé. On ne bombarde pas une école, c’est un lieu de culture et d’éducation… ça m’a fait pleurer, confie Pascal, le ton affligé. J’ai donc sensibilisé mes élèves, qui étaient déjà très touchés par la situation, dont ils avaient eu des échos par leurs parents ou des journaux télévisés.»

Un savant mélange de détermination et de solidarité aura permis la conception de jets de fresques sur des panneaux en bois, que l’enseignant s’est empressé d’apporter, en août dernier, à des centres de réfugiés et des orphelinats situés en Pologne : «En arrivant à Varsovie, j’ai trouvé sur internet une association pour les enfants du monde, qui est dirigée par Michel Marbot, « Le bon Dieu », qui a compris l’intérêt de ma venue après un coup de fil, narre-t-il. J’ai donc commencé à faire des activités poterie dans des parcs municipaux et je pouvais ainsi expliquer le projet que je voulais mettre en place. Ils m’ont tout de même fait comprendre que je devais aller en Ukraine.» À cette époque, le projet «Eldorado» n’en a pas encore le nom, mais les contours semblent tout tracés.

Mondorf, le champion

Un bref retour en France pour faire son passeport et le revoilà déjà parti vers l’Est, au volant de sa Berlingo, où il rejoint les villes ukrainiennes de Lviv et de Kolomyia. Au fil des rencontres et des interventions artistiques dans ces deux agglomérations, l’idée s’éclaircit. Le projet «Eldorado» est lancé. Pascal se veut le porte-drapeau de la jeunesse à travers une grande fresque réalisée conjointement par des enfants originaires des quatre coins du monde. «Durant mon séjour, je réalise à nouveau des ateliers et je commence à échanger avec des artistes ukrainiens qui ont accepté de participer à l’élaboration d’une fresque commune.»

Le symbole est fort, alors qu’une partie de l’œuvre est d’ores et déjà érigée en Ukraine. Désormais, Pascal Woestelandt s’attèle à fournir des plaques d’argile dans les écoles belges et françaises où il officie. Toutefois, le champion en termes de nombre de fragments réalisés n’est autre que le complexe scolaire Grande-Duchesse Maria Teresa : «Au total, on aura 2 023 plaques sur 12 mètres de long et 1,9 m de haut. Au départ, c’est en France qu’on en produisait le plus, mais maintenant, c’est à Mondorf», informe Pascal, la mine enjouée.

En Ukraine, plusieurs fresques déjà installées attendent les autres plaques en provenance de France, Luxembourg et Belgique. Photo : pascal woestelandt

Il faut dire que les petites mains mondorfoises ont déjà bénéficié d’une expérience au préalable, puisqu’une division de 45 céramistes en herbe a déjà réalisé une fresque représentant la bourgade et ses environs en 2022 : «Ça a duré deux trimestres, avec un vernissage en présence d’une bourgmestre à la fin. C’est un travail qui a été valorisant pour eux», détaille Jacqui Petin, enseignante au complexe scolaire.

Pascal espère ainsi que «la parole des enfants pourra arrêter cette guerre», alors que la fresque, toujours en cours d’élaboration, sera exposée en Ukraine avant de tourner à travers l’Europe : «Il y aura encore des allers-retours à faire. Le travail pour la déplacer sera difficile, mais ça vaudra le coup», conclut Pascal Woestelandt.